BIG BUG


TRAILER

TEASER

 

BIG BUG

2020. Director: Jean-Pierre Jeunet
Starring: Elsa Zilberstein, Alban Lenoir, Stéphane de Groodt, Isabelle Nanty, Youssef Hadji, Claire Chust, François Levantal, Claude Perron…
Production: Eskwad+Tapioca Films Paris for Netflix GB

Article : Thomas Hardmeier and Laurent Héritier on “Bigbug” with ARRI cameras, lenses, and lights

Article : Thomas Hardmeier et Laurent Héritier sur « Bigbug » mettant en scène les caméras, optiques et lumières ARRI

 

 

Le mari, l’ex femme et le cyborg

C’est pour la plateforme Netflix que Jean Pierre Jeunet a réalisé son nouveau film « BigBug » prés de 8 ans après  « l’extravagant voyage de TS Spivet ». Un huis clos qui emprunte à la fois au théâtre et à la thématique classique SF de l’affrontement entre robots et humains.

Presque entièrement situé dans un pavillon d’une banlieue futuriste, un groupe d’individus se retrouvent enfermés dans leur domicile automatisé suite à un gigantesque bug qui semble affecter toute la planète. Pour ce nouveau film Thomas Hardmeier, AFC  a mis au point une stratégie de tournage basée presque entièrement sur l’intégration de la lumière au décor (avec le concours d’Aline Bonetto, chef décoratrice ). Un tournage entièrement effectué sur les plateaux Transpaset de Bry sur Marne, entre septembre et décembre 2020.

 

« Au départ, il y avait l’envie pour Jean Pierre de se lancer sur un petit film. Une histoire en lieu unique, pas trop chère à monter , et rapide à faire » se souvient Thomas Hardmeier. Et parmi les premières directives soulevées par lui même, la nécessité d’avoir un maximum de lumière intégrée au plafond ou dans les murs du décor, de manière à être le plus libre possible avec les comédiens . Finalement le film a pris pas mal de temps à se monter financièrement, et quand on est rentré en prépa, plusieurs années après ma première découverte du scénario, Jean-Pierre m’a tout de suite reparlé de cette histoire de plafond lumineux, en insistant de nouveau sur la rapidité des mises en place.  Son besoin de temps avec les comédiens pour ce film était crucial, car c’était  le projet le plus dialogué de toute sa carrière. »

 

Intéressé par le défi du huis clos, le chef opérateur s’est lancé dans la préparation du projet, le film se dirigeant peu à peu vers un tournage intégral en studio. « je me souviens qu’il y a eu quelques discussions sur l’option décor naturel, notamment pour les plans extérieurs pavillon…  Mais vu l’unité de lieu , de temps et les interactions avec les abords de la maison (jardinet, rue…) on a convenu qu’un tournage en studio serait bien plus logique. Pouvoir aussi créer plusieurs endroits à l’intérieur de ce même décor, et s’éloigner du côté forcément un peu théâtral que pouvait avoir le projet. Donner de la profondeur à ce grand living, par exemple avec cette serre qu’on a placée au milieu . Ou  les chambres construites sur un autre plateau, qui sont censés constituer l’étage du pavillon. Enfin l’ouverture sur l’extérieur, avec ses grandes baies vitrées qui ont un  rôle dramatique dans certaines scènes … Tout cela faisait parti des décisions pour s’échapper un petit peu d’un huis clos un peu trop monotonne ».

 

Si l’unité de lieu est un des paramètre central du film, il faut aussi parler de l’unité de temps, car l’histoire se déroule sur une trentaine d’heures… « le changement des ambiances lumineuses étaient aussi l’un des moyens pour nous de faire varier la mise en scène et les images au fur et à mesure que les protagonistes se retrouvent incarcérés chez eux. Le fait de pouvoir tourner le film dans l’ordre chronologique nous a aussi beaucoup aidé à affiner les effets. Mon idée était naturellement de  basculer  dans une ambiance plus sombre tandis que le robot Yonix rentre en scène. En faisant appel à une batterie d’une centaine de Skypanels S60 contrôlés par console d’éclairage 16 bits  et installés derriére le plafond dessiné par Aline Bonetto on a pu facilement doser ces effets, et être audacieux sur les couleurs. En plus, deux 18K Arrimax placées à l’extérieur permettaient de faire des effets de soleil, complétées par un fond bleu pour la vue du reste du lotissement. »

 

Le huis clos n’étant pas un exercice familier pour Jean-Pierre Jeunet, ce dernier s’est replongé dans plusieurs films classiques pour s’inspirer : «  parmi ces films, il y avait par exemple « The Servant » de Joseph Losey. C’était pour lui très important d’observer comment ce genre de film abordait le lieu unique, comment placer la caméra par rapport au comédiens , et savoir varier les angles pour éviter la monotonie et organiser le découpage. Ce qui m’enthousiasme avec Jean Pierre, c’est sa  précision , son exigence  sur l’image, et son art du découpage. On est vraiment face à un réalisateur expérimenté qui veut à chaque plan imprimer son style où l’ humour noir et un certain coté rétro cohabitent. C’est aussi quelqu’un qui travaille beaucoup,  prépare par exemple chaque scène, avec son propre photo board cadré avec des doublures… ou parfois un story board plus abouti quand les effets spéciaux l’imposent. Il tourne, et je pense que c’est très important de le rappeler, son film intégralement à une caméra. Une méthode qui est de plus en plus rare de nos jours avec le numérique. C’est très agréable en tant qu’opérateur, car on s’occupe vraiment de l’image avec lui et pas de manière détournée de la mise en scène. »

 

Questionné sur le style Jeunet , Thomas Hardmeier réponds sans détours : « C’est bien sûr un amoureux des focales courtes, toujours placées soit en contre-plongée, soit en plongée… en tout cas jamais à hauteur des comédiens ! Pour cela, son style ne change pas. Adepte également d’une grande profondeur de champ, il faut savoir en tant qu’opérateur lui donner du diaph pour qu’un maximum de choses soient nettes à l’écran. Comme Netflix nous a demandé de fournir des images 4K, j’ai d’abord imaginé tourner le film avec l’Alexa 65. Mais j’ai vite réalisé que j’allais me tirer une balle dans le pied quand Jean Pierre me demanderait comme d’habitude plus de profondeur de champ… Finalement, on est parti sur une Alexa LF, qui me semblait à la fois suffisamment définie , mais sans trop compromettre cette histoire de netteté des arrière-plans. Comme Jean-Pierre a tourné tous ces films en 35mm (à part TS Spivet, tourné en numérique 3D mais pas en full frame), il a une grande familiarité des focales . Pour ne pas le désorienter, on a donc rebaptisé chaque optique Signature Primes (couvrant le full frame) en leur collant les focales équivalentes au super 35. Ainsi, le 25 a été rebaptisé 16mm, la focale de référence de Jean Pierre. En tournant le film dans sa majorité à 2000 iso sur la LF, j’ai pu afficher des diaphs de 5,6 à 8. Par contre, avec beaucoup moins de déformation je trouve , notamment sur ce 25mm comparé au 16mm ou au 18mm traditionnel ».

 

Parmi les séquences emblématiques du film, une est particulièrement dans le ton du cinéma de Jean Pierre Jeunet. Celle du petit chien et du signal d’alarme… «  A ce moment de l’histoire, les personnages sont bloqués derrière leur baie vitrée incassable, et ils reposent soudain tous leurs espoirs sur la présence du petit chien pour essayer de les libérer de leur prison domestique. C’est vraiment pour moi dans ce genre de séquence très visuelle, où Jean-Pierre est sans doute le plus à l’aise. Presque aucun dialogue, tout passe littéralement par l’image . Pour la tourner, on a procédé en deux fois, travaillant d’abord avec les comédiens, puis le lendemain avec le chien notamment pour tout ce qui se passe autour du poteau. Je me souviens notamment de discussions très précises sur la nature de ce poteau, de sa hauteur et de la poignée, pour que le chien puisse l’attraper et l’arracher…  Dans l’intérieur, on voit bien le travail d’ Aline Bonetto et de son équipe, avec lesquels on a mis au point le plafond, sa hauteur et  la taille de ses cellules. Également les nombreuses bandelettes de Leds RGB (installés par la société Led Box, qui travaille beaucoup dans la mode et studio TV)  contrôlées par la même console qui sculpte les murs et les détails du lieux par des traits lumineux.  De même en extérieur, la façade du pavillon est habillé aussi par ces bandes de LEDs, donnant un côté à la fois rétro et moderne qu’affectionne Jean-Pierre. Pour le travelling arrière qui vient ensuite s’enrouler autour du poteau de l’alarme, c’est une combinaison assez simple de Dolly et de Slider qui a été utilisée. Les fonds bleus démarrant de l’autre côté de la rue, ce qui permettait à l’équipe les effets spéciaux de rajouter ensuite le reste des maisons et prolonger la perspective en images 3D. Les dosage du flou étant géré la aussi en postprod.. »

Parmi les défis, en dehors de la rapidité de mise en place demandée par Jean Pierre, les nombreuses réflexions sur les parties vitrées du décor . « La baie vitrée , naturellement, mais surtout la serre au milieu du salon étaient sources de reflets caméra ou autre. Pour limiter la casse, j’ai par exemple demandé à Aline Bonetto de concevoir non pas une forme arrondie pour celle ci, mais une série de plans coupés plus faciles à gérer . Quoi qu’il en soit, l’intégralité de la lumière dans les plans large provenaient en intérieur des sources intégrées au décor, et je n’ai pas rajouté grand chose , à part un ring light pour certains plans  , en veillant à faire baisser son intensité par exemple quand on se rapprochait des visages.

Interrogé sur l’importance de la lumière contrôlée en temps réel par console comme dans un show ou un spectacle, Thomas Hardmeier avoue qu’un film comme « Bigbug » aurait été très difficile à faire sans les avancées offertes par la technologie des Leds RVB. « Le film sans ça aurait forcément été différent. Avec le contrôle par console, j’ai vraiment ressenti une liberté  totale, tout comme Jean Pierre. On peut tester à peu près tout ce qu’on a en tête, que ce soit en couleur, en rapport de contraste… et l’appliquer presque instantanément sur le plateau. C’est vraiment très intuitif comme démarche, avec un réglage  extrêmement précis en direct. »

Cette précision induit elle un temps d’étalonnage moindre ?  « Pas vraiment réponds Thomas Hardmeier. Sur Big Bug, on a quand même passé 4 semaines en étalonnage. Je dirais que les ambiances et les décors avec cette méthode sont précisément définis, mais il reste toujours à affiner les rendus des différents visages, surtout quand on ne peut pas trop reéclairer chaque comédien avec des sources rajoutées… Et puis les metteurs en scène comme Jean Pierre continuent à être exigeants jusqu’à cette dernière phase, et passent finalement toujours autant de temps  à peaufiner l’image de leur film. »

François Reumont

 

« BIG BUG » directed by Jean-Pierre Jeunet
produced by:         Eskwad, Paris + Tapicoa Film, Paris
starring:                   Elsa Zylberstein, Alban Lenoir, Stéphane de Groodt, Isabelle Nanty, Youssef Hadji, Claire Chust, François Levantal, Claude Perron….
release date worldwide: 11.2.2022
shot in Paris, France – Transpastudios Bry-sur-Marne during automne 2020

 

CREW

Production Eskwad, Richard Grandpierre, Frédéric Doniguian
Line Producer Jean-Marc Deschamps
Production designer Aline Bonetto
Costume designer Madeline Fontaine
Make up Nathalie Tissier
Operator+steadicam le fabuleux cadreur/steadicameur Geoffroy St.Hilaire
1.AC Fabrice Bismuth
DIT Baptiste Marnière
Gaffer Laurent Héritier
Key Grip Bruno Dubet

 

TECHNICAL DETAILS

Cameras/Lenses from Transpacam, Paris Alexa LF + Alexa Mini LF
4.5K in 2:1 format
Arri Signature Primes T2: 15,18,21,25,29,35,40,47mm
mostly used was the 25mm (=16mm in S35mm) + 27mm (=18mm in S35mm) at T 5.6
+some shots with the Red Komodo+Zeiss Ultra Primes
Lighting+Grip Equipment Transpagroup, Paris
VFX+Digital Lab. CGEV+LeLabo, Paris
VFX Supervisor CGEV Paris Jérémy Leroux
Colorist Richard Deusy on Base Light
Dailies Grader Evy Roselet+Manu Leridant on Daylight